Un jeu de rôle autour du café pour comprendre les enjeux du commerce équitable de manière ludique et immersive, il fallait y penser. Le Centre Permanent pour la Citoyenneté et la Participation l’a fait. Bien joué !
Athénée Royal de Koekelberg, en pleine semaine du commerce équitable. Ce matin-là, des élèves de 2e secondaire, encadrés par leur professeur d’économie Abdelkarim Dahchar, participent à un jeu de rôle mettant en scène le commerce du café. Un produit qui illustre bien les échanges commerciaux inéquitables entre les pays du Nord et du Sud.
Le maître du jeu ? Jérôme Vanstalle, coordinateur du Pôle Formation au Centre Permanent pour la Citoyenneté et la Participation (CPCP) à Bruxelles. « Vous, je vous propose de jouer les consommateurs belges. Vous, les négociants. Vous, les producteurs vietnamiens, colombiens, éthiopiens, brésiliens… », lance-t-il aux élèves. « Attention, certains producteurs du Sud vont se regrouper en coopérative pour vendre du café équitable. Leur objectif : écouler leurs stocks et vivre de leur commerce grâce à un prix juste fixé 2 Funtos/kg selon la règle du jeu. »
Et une des coopératrices de relever : « Comment voulez-vous qu’on vende notre café si tous les autres producteurs de café conventionnel peuvent, eux, descendre leurs prix ? ». Excellente question ! À travers l’animation « World Café », conçue et développée par le CPCP grâce au soutien d’Enabel, les jeunes vont en apprendre plus sur les leviers du commerce équitable, les rôles des différentes parties prenantes, les intérêts parfois contradictoires des uns et des autres, les manières de négocier, les enjeux du commerce Nord-Sud, le pouvoir des consomma(c)teurs, etc.
Apprendre en s’amusant
Comme le souligne monsieur Dahchar, « Durant le cours d’économie, quand sera abordé le chapitre sur le commerce équitable, les élèves auront déjà été immergés dans le contexte. Les notions étudiées leur sembleront plus concrètes. Cette animation permet d’apprivoiser la matière de manière ludique. En stimulant les élèves de la sorte, des liens se créent et cela facilite les apprentissages plus théoriques ». Avant de se pencher sur des définitions et autres, le prof compte d’ailleurs présenter à la classe un court reportage sur le commerce équitable dans le monde. « C’est une génération bercée par l’image et l’interactivité, qui a connu le confinement… »
On observe, en effet, que certains élèves éprouvent des difficultés à rester concentrés et calmes pendant plusieurs heures. Le prof et l’animateur doivent redoubler d’efforts pour canaliser leur attention. Pendant que producteurs de café, négociants et consommateurs palabrent autour du prix du café, Jérôme Vanstalle décide de corser le jeu, en faisant intervenir le « hasard ». Selon les tirages, les aléas de la vie peuvent se révéler positifs ou négatifs pour les joueurs. Le tout est de continuer à avancer…
Sensibiliser, c’est gagner
Vient ensuite le moment de faire les comptes et de les contextualiser au regard de quelques chiffres-clés, comme le fait que le commerce du café comptabilise 200 milliards de chiffre d’affaires par an, que 60% des producteurs font des pertes, que les multinationales contrôlent le game (34% du marché pour Nestlé, 30% pour Jacqmotte Douwe Egberts et 17% pour Lavazza)… Un constat interpellant ! Mais comment faire pour changer la donne ? Et si nous repensions notre manière de consommer… L’animateur présente alors aux élèves une série de labels équitables en expliquant ce qu’ils impliquent d’un point de vue économique, écologique et social.
« Cette animation nous permet de sensibiliser de manière immersive et extrêmement dynamique les publics », relève Jérôme Vanstalle. « Nous la proposons dans les écoles mais elle fonctionne également auprès des adultes. Plusieurs groupes de seniors nous l’ont d’ailleurs demandée. C’est un support très exemplatif du commerce inéquitable. La base parfaite pour échanger sur la problématique et ses pistes de solution ». Dans l’éducation à la citoyenneté, le changement ne s’opère pas d’un claquement de doigts. Déconstruire les mentalités et les pratiques prend du temps. Il convient de sensibiliser, d’informer, d’outiller, d’accompagner…
« Ici, c’est un vrai défi, car on part quasi de zéro », confie l’animateur. « La plupart des jeunes ignoraient tout du commerce équitable avant notre arrivée. Nous travaillons surtout avec des publics sociologiquement fragilisés et dont le commerce équitable n’est pas la priorité. Avec l’animation, nous avons planté une graine. Ils ne vont pas tout retenir, mais ils ont saisi le message principal. » Une stratégie gagnante, sachant que les jeunes sont souvent considérés comme prescripteurs d’achats auprès de leurs parents et qu’ils représentent les consommateurs de demain.