Commerce équitable et environnement
Lorsque le mouvement du commerce équitable a vu le jour dans les années 50’ et 60’, l’objectif était d’octroyer des prix plus stables et rémunérateurs aux producteurs des pays en voie de développement, afin que ceux-ci puissent offrir à leurs familles et leurs communautés des conditions de vie meilleures. « À la base, les problématiques environnementales n’étaient pas le cœur du commerce équitable », confirme Ninon Sirdey, chercheuse spécialisée dans la transition des systèmes agricoles et alimentaires au CIRAD[1]. « Initialement, il se concentrait sur les partenariats, les relations commerciales plus transparentes et équitables entre des organisations de producteurs des pays en développement et des acheteurs engagés des pays occidentaux. Mais par la suite, une intégration de critères environnementaux dans les cahiers des charges du commerce équitable s’est peu à peu opérée et renforcée, même s’ils sont encore loin d’atteindre les critères requis dans l’agriculture biologique. »
Au tout début
Lorsque le mouvement du commerce équitable a vu le jour dans les années 50’ et 60’, l’objectif était d’octroyer des prix plus stables et rémunérateurs aux producteurs des pays en voie de développement, afin que ceux-ci puissent offrir à leurs familles et leurs communautés des conditions de vie meilleures. « À la base, les problématiques environnementales n’étaient pas le cœur du commerce équitable », confirme Ninon Sirdey, chercheuse spécialisée dans la transition des systèmes agricoles et alimentaires au CIRAD[1]. « Initialement, il se concentrait sur les partenariats, les relations commerciales plus transparentes et équitables entre des organisations de producteurs des pays en développement et des acheteurs engagés des pays occidentaux. Mais par la suite, une intégration de critères environnementaux dans les cahiers des charges du commerce équitable s’est peu à peu opérée et renforcée, même s’ils sont encore loin d’atteindre les critères requis dans l’agriculture biologique. »
Les chantres du commerce équitable ont rapidement compris que toute amélioration durable des conditions de vie des producteurs du Sud passait par une préservation de la source de leur subsistance, c’est-à-dire l’environnement. Les forêts, par exemple, permettent à près de 1,6 milliard de personnes – plus de 20% de la population mondiale – d’assurer leur survie : nourriture, chauffage, carburant, abris, emplois, revenus, etc. La nécessité de préserver cet écosystème, en particulier pour les populations les plus pauvres, saute donc aux yeux. Pourtant, entre 1990 et 2016, ce sont plus de 1,3 million de kilomètres carrés de forêt qui ont disparu…
[1] Une chercheuse du Centre français de coopération internationale en recherche agronomique pour le développement.
L’attention portée à l’environnement, dans l’ADN du commerce équitable
Au sein du mouvement du mouvement fair trade, il y a également de la place pour les pratiques respectueuses de l’environnement. Des entreprises d’un type particulier, les entreprises sociales ou solidaires, sont en effet au cœur du commerce équitable. La majorité d’entre elles sont des coopératives détenues et gérées par des producteurs, des artisans, ou des entreprises dont les statuts font primer une finalité sociale et/ou environnementale sur la maximisation du profit.
Le fait d’être libéré de la nécessité de dégager d’importants profits pour les actionnaires offre plus de latitude à ces entreprises pour mieux rémunérer les producteurs et les artisans, mais aussi pour développer des modes de fonctionnement, de production visant à minimiser l’impact sur l’environnement et à promouvoir une économie circulaire et des pratiques agroécologiques. Au contraire des entreprises créées pour maximiser les profits, dont les investissements dans la durabilité ne sont justifiés que s’ils augmentent les rendements.
Opter pour des techniques agricoles responsables
Le commerce équitable a donc progressivement dépassé la sphère de la promotion sociale et économique pour également promouvoir des formes d’agricultures plus durables dans les pays en développement, avec un succès certain. « On constate clairement une augmentation significative du rapprochement entre les deux mouvements, que ce soit du commerce équitable vers l’agriculture bio ou l’agroécologie, et inversement », pointe Ninon Sirdey. Et l’économiste de citer l’exemple de la France où « plus de 80% des références certifiées commerce équitable sont aussi certifiées agriculture biologique, contre 63% en 2012 ». L’année passée, Fairtrade Belgium indiquait que 70% des produits certifiés Fairtrade étaient aussi certifiés bio.
« Il y a une convergence forte avec de plus en plus de produits doublement certifiés. Pour certains labels de commerce équitable, la certification biologique est même un prérequis. Un phénomène lié à la demande sur le marché : les gens veulent de plus en plus de doubles certifications pour gagner en cohérence. »
« Si l’agriculture bio a surtout tendance à fournir une liste d’interdits, elle ne va pas forcément tendre vers un remaniement des systèmes à l’œuvre dans les agrosystèmes. À l’inverse, les promoteurs de l’agroécologie vont eux plutôt promouvoir de grands principes, mais sans proposer un cahier des charges strict et universel », résume Ninon Sirdey.
L’agroécologie est une approche intégrée qui repose sur des principes de diversité (des cultures, des animaux, des arbres à l’échelle des parcelles, des exploitations et des paysages), de recyclage, d’autonomie vis-à-vis des intrants extérieurs. Elle vise à optimiser les interactions entre végétaux, animaux, humains et l’environnement en tenant compte des aspects sociaux, culturels et politiques favorables à des systèmes alimentaires durables et équitables. L’agroécologie s’exprime de manière très diverse selon les contextes. Il ne s’agit donc pas d’un modèle unique ou de solutions ‘clés en main’. En fonction du terrain, de la géographie, de l’exposition, etc., chaque parcelle sera donc occupée et gérée différemment. Les avantages de la mise en application de pratiques agroécologiques peuvent donc être multiples pour les producteurs : des sols protégés (contre l’érosion, le rayonnement solaire…) et plus fertiles, des cultures plus résistantes face aux perturbations (changement climatique, parasites…). Les multiples variétés cultivées offrent une garantie économique et une souveraineté alimentaire.
L’agroforesterie est une méthode agroécologique qui inclut plus spécifiquement les arbres dans le processus agricole. Elle vise à tirer parti de la complémentarité des arbres et des cultures, que ce soit en matière d’ombrage, de protection des sols ou encore d’entretien de leur fertilité et de leur humidité.
Commerce équitable et économie circulaire
L’économie circulaire est régulièrement présentée comme l’une des solutions qui doit permettre à nos sociétés de résoudre la crise environnementale à laquelle le monde fait face aujourd’hui.
Selon Emmanuel Mossay, expert sur le sujet et professeur invité dans plusieurs universités de Belgique, il existe 114 définitions de l’économie circulaire. « Pour faire simple, il s’agit de veiller à prolonger la durée de vie des ressources, des matières, des produits, le plus longtemps possible dans le système. Tout en préservant au maximum la nature, et bien sûr les humains qui font partie de cette nature. » L’économie circulaire s’oppose diamétralement au modèle économique linéaire qui régit actuellement nos économies et qui se débarrasse des produits et matériaux en fin de vie selon le cycle ‘extraction – transformation – consommation – déchet’.
Selon l’expert de l’économie circulaire, les acteurs du commerce équitable ont toujours été d’une façon plus ou moins avancée dans l’économie circulaire, surtout dans le secteur de l’artisanat. « La raison intrinsèque en est qu’il opèrent dans des économies majoritairement traditionnelles ».
Les producteurs du Sud disposent de belles cartes à jouer pour surfer sur cette vague. « La première, c’est le marché, le fait qu’il existe une demande croissante pour des produits dits circulaires. Et par conséquent, les producteurs du Sud s’adaptent. Le second point, c’est que ces producteurs disposent d’énormément de déchets ressources. Que ce soit en Afrique ou en Asie, la triste réalité est qu’ils disposent des masses de déchets, que nous y exportons, pour produire d’autres objets. » Sans oublier que les producteurs du Sud disposent de l’expérience et des capacités nécessaires pour se lancer avec succès dans l’économie circulaire, souligne l’expert, car ces pays vivent beaucoup plus facilement dans la réutilisation, la réparation, la durabilité, etc. »
Les solides partenariats Nord-Sud inhérents au commerce équitable offrent certainement des possibilités de renforcer l’intégration à l’économie circulaire. Les organisations de commerce équitable pourraient jouer un rôle dans l’introduction de ces modèles.
Mossay donne l’exemple de co-écoconception. « Produire dans le Sud et utiliser, partager, réparer, recycler ici dans le Nord. Cette manière de faire permettrait d’avoir l’assurance de développer des produits qui sont pertinents au niveau de leur prix de vente. »
Une autre voie est l’économie de la fonctionnalité. « Le producteur du Sud pourrait fabriquer des produits de haute qualité, que l’on pourrait même qualifier de luxueux, et qui seraient utilisés en Occident via le système de partage. Car l’économie de la fonctionnalité permet justement aux consommateurs d’accéder à des objets de plus haute qualité, mais pour un usage et un temps plus réduit. »
La difficile question du transport
Face à l’urgence climatique, de plus en plus de consommateurs tentent de limiter leur impact en prêtant notamment attention à l’origine géographique des produits qu’ils achètent, avec comme idée directrice que plus un article provient de loin, plus son transport pollue. Un raisonnement correct… qui ne colle pourtant pas toujours à la réalité complexe, voire paradoxale du fonctionnement de notre économie mondialisée.
Une critique récurrente envers le commerce équitable
Concerné au premier chef par cette problématique, le commerce équitable, dont le fonctionnement repose sur les échanges Nord-Sud, tente de faire connaître davantage cet impact relatif du transport international. « On essaie souvent d’opposer le tout local à l’importation de produits à l’international. C’est un cliché contre lequel nous essayons de nous battre », confirme Patrick Veillard, Fair trade policy advisor chez Oxfam-magasins du monde.
« Le local présente évidemment de nombreux avantages, mais c’est une illusion de croire qu’il sera un jour possible de relocaliser l’ensemble de la production, notamment alimentaire. C’est pour cela que nous tenons à nuancer la question du coût écologique du transport, car c’est une critique qui nous revient souvent. Or, quand on calcule l’empreinte carbone d’un produit via ce qu’on appelle les analyses de cycle de vie, une méthodologie qui couvre le spectre allant des matières premières jusqu’à la fin de vie d’un bien, on constate que le transport constitue une faible, voire très faible part des émissions totales dans la vie d’un produit. Et c’est encore plus vrai en ce qui concerne le transport international. Par exemple, pour un aliment consommé en France, les émissions liées au transport sont de l’ordre de 4%. Et 80% de ces 4% sont générés à l’intérieur du pays de consommation, pour seulement 20% pour le transport international. Mais cela n’empêche bien sûr pas de réaliser des efforts en la matière. »
C’est dans cette optique qu’Oxfam-magasins du monde s’est entre autres lancé, il y a déjà plusieurs années, dans un processus d’analyse de ses produits, avec pour objectif de supprimer toute une série d’articles dont un équivalent pouvait être trouvé en Belgique et pour lesquels une démarche de commerce équitable local pouvait être mise en place.
Les voiliers, une alternative de transport intéressante
Les voiliers cargos (re)commencent également à avoir le vent en poupe, même si à l’heure actuelle il convient de parler d’un phénomène marginal. Des projets en ce sens commencent néanmoins à prendre forme aux Pays-Bas ou en Bretagne notamment, et certaines entreprises se sont déjà laissé séduire. C’est le cas de Javry, qui en 2020 a importé pour la première fois du café de Colombie à la seule force du vent. « Pour l’instant, il s’agit plutôt de transport ‘one-shot’ parce qu’il n’y a pas encore de bateaux dotés d’une capacité suffisante pour transporter de grosses quantités de café », explique Pierre-Yves Orban, le cofondateur et le directeur des nouvelles technologies (CTO) de Javry, une entreprise bruxelloise qui propose à la vente un café qui se veut durable. « Mais la société néerlandaise avec laquelle nous avons collaboré planche sur la construction d’un voilier cargo d’une capacité de 125 tonnes d’ici 2025.
Avec ce genre de navire, on pourra diminuer le coût du transport et arriver à des tarifs qui deviendront acceptables pour le consommateur et qui seront compétitifs par rapport au transport traditionnel. » La fréquence des trajets devra par ailleurs également être augmentée puisque le temps de trajet est environ trois fois plus long, souligne le CTO de Javry, qui n’en demeure pas moins convaincu par ce moyen de transport alternatif à l’avenir.
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Heading: Bac Ha Tea Vietnam @ pour TDC
Damage caused by deforestation © Mighty Earth
Sacs réalisés avec des sacs à ciment © Village Works