Femimain : échanges belgo-marocains autour de l’artisanat équitable

21 avril 2020In Articles, Mode

Femimain, un projet de commerce équitable de l’ASBL bruxelloise Pianofabriek, a invité trois partenaires marocaines à l’occasion de la Semaine du commerce équitable. Trois fortes femmes à la tête de coopératives dans leur pays d’origine sont venues en Belgique pour partager leurs expériences et connaissances. Elles ont ainsi pu rencontrer en personne les acheteurs de leurs magnifiques objets artisanaux. Entre deux ateliers, elles ont trouvé le temps de nous accorder une interview.

Une bonne relation à long terme avec la clientèle vaut bien plus qu’un don unique.

Leila Abil

« Cela représente pour nous une occasion unique de parler directement avec nos consommateurs en Europe. Cela nous permet aussi de mieux déterminer les produits qui pourront les intéresser » nous confie Leila Abil de la coopérative Al Mahara Anissouia. Avec du tissu et du fil à coudre, Leila et ses collègues créent de véritables œuvres d’art : elles tissent, cousent, brodent… tout ce que vous voulez.

Cette rencontre a eu lieu alors que les trois dames partageaient leurs connaissances lors d’ateliers avec des enfants, des adolescents et des adultes. Broder, créer des pompons et décorer ses mains avec des dessins au henné, tout cela était possible à la MaisonEcoHuis à Saint-Gilles.

MaisonEcoHuis

Leila Abil : « Les nombreuses activités proposées permettent à de nouvelles personnes de découvrir le commerce équitable. Pour ma part, il pourrait y avoir plus d’une Semaine du commerce équitable par an ! »

De la théorie à la pratique

Leila Abil : « Durant notre semaine en Belgique, nous avons aussi suivi une formation sur les principes du commerce équitable chez Oxfam-Magasins du monde. Grâce à un exercice pratique, nous avons pu constater par nous-mêmes l’importance de ce commerce. Nous avons été répartis en petits groupes et chacun d’entre eux s’est vu confier le même travail à réaliser. Mais tout le monde n’a pas reçu les mêmes “matières premières” ni le même matériel. Ainsi, mon groupe ne disposait pas de ciseaux… Une inégalité expérimentée aussi dans la réalité. Grâce à cet exercice simple, nous avons pris conscience de la complexité de l’injustice du commerce international et appris comment nous y attaquer ensemble. »

Et sa collègue Assiya Gourra de la coopérative Femmes Bensllou de la passementerie d’ajouter : « Cet exercice a clarifié ce que nous ressentions déjà : pour pouvoir travailler mieux et plus vite, il faut du bon matériel. Et si vous pouvez vendre vos produits sans intermédiaire, vous gagnez plus. Trees Candaele de Femimain l’a bien compris. Elle ne nous envoie pas d’argent, mais c’est une cliente fidèle qui donne de très précieux conseils. » Femmes Bensllou de la passementerie se compose d’une vingtaine de femmes qui se sont spécialisées dans le « passement », une technique artisanale décorative typique qui ressemble beaucoup à la dentelle aux fuseaux.

Assiya Gourra

appui dans de nombreux domaines

Femimain est un projet de l’ASBL Pianofabriek qui œuvre au renforcement économique social des femmes, tant dans le Sud qu’en Belgique. Cela passe par un appui aux ateliers de femmes marocaines et la vente de leurs produits en Belgique, par le biais d’un projet d’emploi à destination des femmes. Femimain possède notamment son propre magasin à Bruxelles.

Trees Candaele, qui dirige Femimain, confirme le ressenti d’Assiya Gourra. « Ces femmes doivent faire le travail elles-mêmes, mais je leur donne un coup de pouce dans toutes sortes de domaines. Je réfléchis avec elles à la manière dont elles peuvent développer leur entreprise. En outre, je compare les attentes des consommateurs et consommatrices belges à l’offre des coopératives marocaines. Et j’informe ces dernières des possibilités que je vois pour accroître leur impact. »

Femimain et la coopérative Al Mahara Anissouia ont ainsi créé ensemble un centre de formation. Leila Abil y apprend à 35 femmes non scolarisées à broder, coudre, etc. Et Leila d’ajouter : « Les femmes qui ont des enfants en bas âge peuvent simplement les amener avec elles, nous supprimons ainsi un obstacle important à la génération d’un propre revenu pour les femmes. »

Sur la route ensemble depuis des années

« J’ai rencontré Trees il y a treize ans déjà via l’association dont j’étais membre à l’époque. Celle-ci ne marchait cependant pas bien et je gagnais vraiment très peu, » se rappelle Leila Abil. « Trees m’a encouragée à lancer ma propre coopérative. Cela n’a pas coulé de source, mais grâce au soutien de Femimain, la coopérative fonctionne bien à présent. Nous faisons tout à la main, parce que nous n’avons pas les moyens d’acheter des machines. »

Naima Abkane

Naima Abkane et ses six collègues de la coopérative Fadl Thirdouine produisent essentiellement des tapis, mais elles font aussi des travaux de broderie et de couture. « En guise de prépaiement, Femimain nous achète la laine pour le tissage des tapis que nous avons commandés. Trees s’assure en outre que nous recevons des commandes. Avant, nous fabriquions toutes sortes de choses sans réellement savoir si nous pourrions les vendre. Femimain nous a littéralement ouvert des portes. »

Femmes Bensllou de la passementerie doit, elle aussi, beaucoup à Femimain. Assiya Gourra en donne un exemple : « Au moment de la création de notre coopérative, les membres ne disposaient pas toutes de moyens suffisants pour apporter leur contribution. Elles ont payé petit à petit, si bien que cela a pris du temps pour constituer notre capital de départ. Afin de pouvoir tout de même entamer ses activités, Femimain a passé et prépayé une très grosse commande. Cela nous a permis de nous lancer car nous avions du travail et des revenus. Une bonne relation à long terme avec la clientèle vaut bien plus qu’un don unique. »

« Voilà qui est bien vrai, » affirme Leila Abil. « Il s’agit d’un partenariat égalitaire : en tant que coopératives, nous avons besoin de Femimain, mais cette dernière ne peut pas non plus se passer de nous. Si Femimain ne vend pas suffisamment, nos ventes et nos recettes diminuent. Mais si nous ne livrons pas à temps, c’est elle qui se retrouve en difficulté. »

Les coopératives libèrent les femmes

« Pour nous, en tant que femmes, une coopérative était la meilleure façon de nous procurer un revenu grâce à notre artisanat. Pour pouvoir être indépendante de votre mari ou de votre père, vous avez besoin de vos propres revenus, » explique Assiya Gourra. « Qui plus est, je n’avais aucune responsabilité dans l’association dans laquelle je travaillais auparavant. Alors que je faisais le même travail que maintenant, je devais obtenir l’approbation des hommes pour toutes sortes de choses. Cela n’est à présent plus nécessaire vu que nous sommes une coopérative de femmes. »

Atelier semaine artisanale du Commerce Equitable 2019

La vie de Leila Abil a elle aussi changé depuis sa rencontre avec Trees. « Non seulement j’ai mon propre revenu, mais j’ai également évolué en tant que personne. Auparavant, j’étais très timide ; maintenant, j’ose m’adresser aux gens ainsi que défendre mon point de vue et ma coopérative. J’ai de même appris à donner cours. Grâce aux nombreuses connaissances engrangées et aux rencontres de ces dernières années, je suis à présent plus forte que lorsque j’ai lancé la coopérative en 2015. »

« Maintenant que nous vendons en ligne directe à Femimain, sans intermédiaire qui veut aussi gagner quelque chose, nos conditions de vie s’améliorent, » ajoute Naima Abkane.

« Femimain est notre plus ancien et notre meilleur client. Et bien plus encore, » acclame Assiya Gourra. « Si Trees passe des commandes importantes, nous pouvons aussi toujours compter sur elle pour toutes sortes d’autres choses, comme des conseils et un feedback constructif, notamment sur notre catalogue et nos cartes de visite. Nous avons vraiment noué des liens d’amitié. Et le fait que j’aie pu à l’époque participer au choix du nom de Femimain en dit suffisamment long, je trouve. »

Curieux de découvrir les superbes produits artisanaux réalisés pour Femimain ? Jetez un petit coup d’œil à son site web et lisez aussi l’interview de l’initiatrice Trees Candaele.

Photos:
En-tête : Atelier de la Semaine du commerce équitable 2019
Photo 1 : Atelier de la Semaine du commerce équitable 2019
Photo 2 : Leila Abil
Photo 3 : Assiya Gourra
Photo 4 : Naima Abkane
Photo 5 : Atelier de broderie Semaine du Fiar Trade 2019