Dans le cadre de la semaine du commerce équitable, le campus social de la Haute École en Hainaut accueillait un défilé autour de la mode équitable et des dérives de la fast fashion. Une action porteuse de sens, qui a permis de mettre les jeunes en lien et en capacité d’agir…
« Nous sommes de ceux qui n’rentrent pas en ligne de compte
Nous sommes de ceux qu’on choisit par défaut
Nous sommes de ceux qui ont la peau terne, les traits tirés
Et le regard éteint, des visages pâles, des teints gris
Nous sommes de ceux qui s’délavent de jour en jour ».
Sur les notes de cette chanson de Fauve, trois jeunes « mannequins » remontent en rythme l’allée principale du réfectoire de la Haute École en Hainaut à Mons, département des sciences sociales. Sous les acclamations du public, pour la plupart des bacheliers assistant social et conseiller social, ils sont rejoints par d’autres camarades de section muni d’un panneau dénonçant les impacts écologiques, économiques, sanitaires et sociaux de la fast fashion. Les jeunes décodent pour leurs condisciples les tenues qu’ils ont confectionnées et contextualisent les slogans et chiffres mis en exergue, avant de céder la place à un nouveau groupe au son de « Victime de la mode ».
Un café pédagogique
En tout, une trentaine de students vont s’élancer sur le catwalk ce matin du 14 octobre 2021, illustrant chacun à leur manière les dérives de la fast fashion : la pollution, l’esclavage, les maladies, etc. Un défilé haut en couleurs et particulièrement inventif qui se veut le point d’orgue des différentes actions de sensibilisation à la mode équitable et plus largement au commerce équitable menées par mesdames Julie Lenaerts et Marie Hespel, respectivement professeure de gestion et d’économie et professeure de droit à la Haute École en Hainaut.
« Le défilé prend place au sein du café pédagogique que nous organisons ce matin au réfectoire dans le cadre de la semaine du commerce équitable », expliquent-elles. « Le petit déjeuner que nous avons servi aux étudiants des départements Sciences sociales et Sciences et Technologies était composé de jus de fruits locaux, de boissons chaudes équitables, de donuts cuisinés par une entreprise de formation par le travail ; l’occasion de réfléchir ensemble à notre manière de consommer. En partenariat avec l’Académie de Recherche et d’Enseignement Supérieur, nous avons aussi distribué aux étudiants de première année des gourdes pour les sensibiliser au développement durable. Mais, en fait, on réalise que la plupart des jeunes se sentent concernés par ces questions éthiques et environnementales. Ce sont plutôt leurs aînés qui peinent à passer la deuxième pour changer la donne. »
Un fil conducteur
Tandis que certains étudiants décompressent autour d’une partie de kicker, d’autres s’affairent autour des tissus, ciseaux, rubans, épingles de nourrice et autres accessoires de couture étalés sur les tables le temps de finaliser les costumes. « Préparer ce défilé a changé notre vision des choses », confient Grégory, Malika et Siwar. « Au travers des différents ateliers, on s’est rendu compte que même les marques réputées écolos polluaient. On a aussi passé en revue les solutions possibles. N’acheter que quand on a besoin. Réparer. Se rendre dans les friperies. Opter pour des produits transparents sur le lieu et le mode de fabrication, qui garantissent une juste rémunération des travailleurs. » Autant d’informations pas forcément faciles à recueillir quand on fait ses emplettes. « Je regarde les étiquettes, mais je ne sais pas toujours ce qui se cache derrière », regrette une des participantes au défilé.
Comme le soulignent les professeures, les thématiques abordées pour mettre en place cette activité vont servir de fil conducteur pour illustrer les cours de droit et d’économie tout au long de l’année. « Cela va nous permettre d’interpeller les étudiants et d’accélérer l’apprentissage d’une série de matières comme l’économie collaborative, le transport, la consommation de masse, la surproduction, les droits de l’homme et de l’enfant, etc. », se réjouissent Julie Lenaerts et Marie Hespel. « Nous allons voir que nous avons des droits et des devoirs et que nous sommes en capacité d’agir à travers nos choix de consommateur. Notre optique, c’est de conscientiser sans stigmatiser. Ce projet ludique nous a permis de mobiliser plein d’apprentissages différents : les jeunes ont brainstormé, construit un glossaire commun, résolu des problèmes, créé des costumes, réalisé des Powerpoint, débattu, inventé des slogans, produit de l’intelligence collective. Et surtout, ils ont vécu des émotions fortes ensemble. Suite à la crise sanitaire, certains ont perdu leurs repères et souffrent d’anxiété. Partager une initiative porteuse de sens et les mettant en lien leur a fait, semble-t-il, le plus grand bien ».
Allison Lefevre